Jadis vivrière, l’agriculture burkinabè a connu plusieurs mutations et évolutions qui l’ont conduit aujourd’hui à la croisée des chemins. Avec des fins de campagnes de plus en plus excédentaires ces dernières années, le secteur agricole se modernise. Mieux, il influe positivement sur la croissance nationale grâce aux efforts du gouvernement qui a fait de l’agriculture sa priorité dans le cheminement vers le Burkina émergent.
Au Burkina Faso, le secteur agricole occupe une place prépondérante dans l’économie nationale ; il emploie 86 % de la population totale. Environ 40 % du PIB provient des activités agricoles (agriculture 25 %, élevage 12 % et 3 % foresterie et pêche), considérées comme étant les principales sources de croissance économique du pays.
Face à cette réalité, le gouvernement a mis en œuvre une série de réformes visant à créer les bases d’une croissance accélérée, en améliorant les conditions de vie des populations et en développant une agriculture durable. Après la phase d’ajustement structurel des années 1990 marquée par un processus de libéralisation et de désengagement de l’Etat des secteurs productifs, le pays a adopté depuis 2000 une « stratégie de lutte contre la pauvreté » qui vise à assurer une croissance économique durable, équitable et de qualité. Il s’est ensuite doté d’une « stratégie de développement du secteur rural » et un « Programme national du Secteur rural » est en cours de finalisation.
Des approches de gestion et de promotion du secteur agricole qui tiennent compte de la vulnérabilité due aux aléas climatiques, de l’accroissement insuffisant de la productivité agricole et la faible diversification des revenus, expliquent en partie la persistance de l’insécurité alimentaire et économique des ménages ruraux.
Des systèmes de production caractérisés par une faible productivité
L’agriculture burkinabé est avant tout une agriculture de subsistance basée sur les céréales (sorgho, mil, maïs, riz et fonio) qui occupent à elles seules plus de 88 % des surfaces emblavées annuellement et constituent l’alimentation de base de la majorité de la population. C’est aussi une agriculture extensive, dominée par de petites exploitations familiales de 3 à 6 ha en moyenne avec d’importantes contraintes qui limitent ses performances.
La réorganisation des services agricoles qui n’a pas atteint les objectifs escomptés, a été aussi un facteur limitant qui n’a pas toujours favorisé l’efficacité dans le secteur agricole.
En effet, si le recentrage des fonctions de l’Etat a été effectif, à travers les réorganisations au niveau central, la liquidation des Centres Régionaux de Promotion Agricole (CRPA) et la mise en place des structures déconcentrées jusqu’au niveau provincial, l’insuffisance des ressources humaines en quantité et en qualité a largement limité l’exercice des missions régaliennes, en particulier dans les domaines de l’appui-conseil et du suivi-évaluation.
A l’adoption du Programme d’Ajustement Structurel (PAS) en 1991, les recrutements des cadres et agents ont en effet été suspendus ou réduits malgré le poids du secteur agricole dans l’économie nationale.
Ils sont depuis quelques années repris mais les recrutements sont timides et limités. Les conséquences de cette situation se traduisent aujourd’hui par un vieillissement du personnel et une insuffisance prononcée du dispositif d’appui/conseil accentué par le non renouvellement des effectifs ; la capacité opérationnelle et l’efficacité des Services Agricoles en sont sérieusement affectées.
Par ailleurs, les acteurs non étatiques (organisations paysannes, opérateurs privés et ONG) étaient peu préparés pour prendre la relève immédiate de l’Etat et le transfert accéléré de certaines fonctions, à l’occasion de la privatisation de sociétés publiques, s’est traduit par une baisse des activités, voire un dépérissement des entreprises.
Enjeux et défis à relever
L’analyse des enjeux et défis permet de préciser les principales questions à résoudre à travers la Stratégie de Développement Rural dans le cadre de la lutte contre la pauvreté au Burkina Faso. Ces enjeux et défis à relever sont entre autres : renforcer la sécurité alimentaire ; augmenter les revenus des populations rurales ; assurer une gestion durable des ressources naturelles ; responsabiliser les populations rurales en tant qu’acteurs de développement.
Renforcer la sécurité alimentaire revient à accroître et diversifier la production. L’accroissement, la diversification et l’intensification des productions agricoles ne peuvent se réaliser qu’en agissant sur les facteurs susceptibles d’engendrer des transformations qualitatives au niveau de l’appareil de production, au niveau du comportement des acteurs et au niveau de l’environnement socio-économique. C’est pourquoi le gouvernement mise à ce niveau sur la remise en état de son système national d’appui conseil agricole (SNVACA).
Le développement de l’hydraulique agricole, des aménagements hydro-agricoles, avec une priorité à l’aménagement des bas-fonds figure également au nombre des priorités de même que la promotion des filières porteuses ; le développement de la transformation agro-industrielle et la promotion de la commercialisation des produits agricoles demeurent encore aujourd’hui une impérieuse nécessité.
L’intensification de la production passe également par la mécanisation agricole et la gestion intégrée de la fertilité des sols comme l’atteste les opérations 100 000 charrues dont 50 000 pour les femmes pendant 5 ans, Team 9 et la réalisation de fosses fumières. Toutes ces actions qui sont accompagnées par une politique de sécurisation de l’accès à la terre à travers la Loi 034 dont les outils de vulgarisation sont en phase de diffusion auprès des collectivités.
Dans la mesure où la lutte contre la pauvreté passe par l’accroissement des revenus des populations rurales, les productions agricoles ne doivent plus être axées seulement sur l’autoconsommation, mais de plus en plus tournées vers le marché (marché local, national, régional et international). De ce fait, la résolution des contraintes en aval de la production constitue également une préoccupation du Gouvernement qui agit sur la réalisation d’infrastructures de communication et de mise en marché ; la transformation des produits afin d’en améliorer la conservation et d’accroître la valeur ajoutée, la mise en place d’un système d’information efficace sur les marchés, toute chose qui devrait améliorer la compétitivité des produits destinés à l’exportation, renforcer les capacités des acteurs et renforcer les prestations en matière de conditionnement et de contrôle de la qualité des produits. Aussi, des productions à haute valeur commerciale (manioc, niébé, soja, paprika, souchet,…) sont promus partout où cela est possible selon les avantages comparatifs.
L’accroissement et la diversification des revenus passent enfin par l’amélioration de l’accès aux crédits, la monétarisation des activités du monde rural, l’amélioration de la compétitivité des cultures de rente et des productions marchandes, la promotion d’activités génératrices de revenus et d’auto-emploi. Ici aussi, l’Etat joue sa partition et travaille à une plus grande implication du privé, mieux indiqué à accompagner ce genre d’initiatives. En attendant, le cap est mis sur la responsabilisation des producteurs à travers une meilleure structuration.
C’est pourquoi, il convient de saluer le renouvellement des Chambres régionales d’agriculture(CRA) et la transformation de leur Bureau national de coordination en Chambre nationale d’agriculture pour plus d’efficacité sur le terrain.
Des résultats pleins d’espoirs
En tout état de cause, la politique qui est conduite actuellement au Ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique et qui est basée sur la réorganisation des services agricoles, l’utilisation de la semence améliorée (augmentation des rendements de 40 %), la mécanisation agricole et la maîtrise des itinéraires et paquets technologiques, donne des résultats prometteurs. La production céréalière a ainsi augmenté de 5 % /an, rythme supérieur au taux d’accroissement démographique (2,4 % par an).
Elle est essentiellement tirée par le maïs, dont la progression est remarquable (+17,2 % /an), qui représente maintenant 22 % de la production céréalière, contre 9 % en 1995. La croissance des autres cultures (autres cultures vivrières et cultures de rente hors coton) est ferme (+6,4 % /an), ce qui indique une tendance à la diversification, surtout portée vers les oléagineux (sésame et arachide). Enfin, le coton apparaît comme la principale source de croissance du secteur (+10,7 % /an), confirmant le succès de la réorganisation de cette filière, basée sur une libéralisation maîtrisée et l’organisation interprofessionnelle. A noter ce bond spectaculaire de la production nationale de riz qui est passé d’environ 150 000 T l’an à plus de 300 000 T en trois ans entre 2008 et 2011.
Au niveau de la sécurité alimentaire, les bilans céréaliers indiquent que la production nationale a couvert les besoins de la population 9 années sur 11 entre 1993 et 2003. Toutefois, cette situation est encore précaire, avec une disponibilité en céréales (différence entre la production et les besoins de consommation) très variable, qui fluctue chaque année entre –250.000 et +1 000.000 tonnes. La mauvaise pluviométrie, les difficultés d’ajustement du marché et la pauvreté persistante des populations rurales expliquent les difficultés alimentaires récurrentes dans certaines zones vulnérables. L’espoir est cependant permis pour peu que le cap soit maintenu surtout que la production de saison sèche qui n’est plus négligeable est appelée à prendre de l’ampleur avec les aménagements des nombreux périmètres autour du millier de points d’eau que comptent le Burkina.
Ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique
Sources :
Document de Stratégie de développement rural à l’horizon 2015, Novembre 2003 ;
Document Guide de la Révolution Verte, Janvier 2008 ;
Rapports DEP/MAH.
Sidwaya